Et vous, la rentrée ?
Chaque année, elle revient, et chaque année nous nous laissons surprendre.
Comme si septembre, malgré sa régularité, parvenait toujours à nous prendre de court. La rentrée n’est pas seulement une reprise : je la vois comme une épreuve à la koh lanta, un rituel moderne qui met à nu notre simple rapport au temps et aux gens. Nous pensons la maîtriser, du moins on essaie, avec des to do listes, des plannings muji super beaux, des promesses de bonne organisation (anticiper, faire du sport, se lever tôt).
La vérité ? Ma rentrée s’est moqué de mon agenda : elle a déployé son chaos comme pour rappeler que je ne gouverne pas grand-chose, moi compris.
Montaigne écrivait que « notre grande et glorieuse maîtrise, c’est vivre à propos » : or la rentrée nous place face à l’impossibilité de ce “vivre à propos”. Être présente pour ses enfants, performante dans son travail, attentive à ses proches, tout en restant soi-même disponible à l’imprévu qui vient se glisser dans les interstices. C’est en somme une équation impossible, où chaque rôle menace d’éclipser l’autre. À vouloir tout tenir, nous ne tenons plus rien.
Je m’y suis vue, encore hier, pendant que je faisais mes courses sur le site de monoprix, comme tant d’autres : remplir chaque espace de peur que le vide ne se referme sur moi. Comme si l’oisiveté, loin d’être une respiration, devenait une faute morale pointée du doigts par les hyperactifs qui non content d’avoir quatre gosses, ont le temps de programmer leurs vacances, gère leur entreprises et ont les meilleurs prix sur les spectacles de l’Opéra.
Cette méfiance à l’égard du vide, il parait que nous l’avons héritée : Hannah Arendt rappelle que la modernité craignait l’ennui, préférant l’activité frénétique à l’expérience d’un temps nu. Or, ce que nous fuyons, c’est peut-être précisément ce qui pourrait nous sauver (en tout cas moi) : la possibilité d’un intervalle, d’un espace où il n’y aurait rien à faire, rien à délivrer, où pourrait se loger notre respiration.
64 % des parents déclarent ressentir un stress accru à la rentrée (UNAF). Et selon l’OMS, 1 adulte sur 4 connaîtra un trouble anxieux ou dépressif au cours de sa vie. Rien d’anecdotique et rien d’individuel. La preuve que ce vertige est partagé, structurel, universel. La rentrée est une épreuve commune, une sorte de Sisyphe contemporain : nous roulons ensemble notre pierre de septembre, et chaque année, elle redescend.
Camus voyait dans l’absurde une invitation à la lucidité. Peut-être la rentrée nous oblige-t-elle à ce même exercice : cesser d’attendre une fluidité illusoire, et accepter qu’il y ait dans ce chaos quelque chose d’incontournable.
Mesdames, nous ne flottons pas seules : nous tanguons ensemble. Et c’est peut-être là que réside une forme de consolation. Je propose que nous acceptions de nommer ce chaos pour ce qu’il est : une épreuve commune ! Pas une faiblesse individuelle. La rentrée, c’est peut-être ça : un rappel que nous ne sommes pas des machines de gestion, mais des êtres humains qui tanguent.
Rester droite comme un piquet dans une mer agitée ? Une illusion. Je préfère l’idée d’apprendre à flotter, à reprendre mon souffle, à me dire que survivre à septembre est déjà un exploit partagé.
Acceptons l’idée que le désordre est la condition de tout recommencement. La houle se retire toujours, laissant derrière elle un sol neuf. Nous sommes des vivantes condamnées à réinventer sans cesse notre équilibre.
Je vous envoie de la force et du courage, et je vous embrasse.
Nardjisse




Alors tanguons, flottons et repérons les intervalles!😍