Bibliothérapie - Juin et Juillet 2025
Parce que parfois, un verre de vin, c'est meilleur avec un très bon livre.
Lire, c’est penser tout haut… mais avec les mots des autres.
Dans cette rubrique, chaque mois, je partage les livres que j’ai lus et ceux qui m’ont marquée, questionnée ou dérangée – ceux qui éclairent nos questionnements sur les femmes, la société, les relations, ou simplement notre manière d’être au monde. Je ne suis ni critique littéraire, ni maitresse d’école. Il s’agit juste ici d’une échappée littéraire, de réflexions personnelles comme des échos à ma vie et, parfois, des contradictions assumées.
Si vous aimez lire autant que partager, cette rubrique est pour vous.
Ouvrons ces pages ensemble.
Juin et Juillet 2025 : Ce que l’été révèle. Lire pour une pensée plus libre.
Ces dernières semaines, j’ai eu besoin de faire une pause ici pour me consacrer à d’autres projets, notamment des formations, qui me prennent du temps et de l’énergie. Ces journées sont denses, tant intellectuellement que émotionnellement, et ma capacité d’analyse est réduite à garder la tête hors de l’eau. Compte tenu des circonstances et du climat écologique et politique disons “tendus” (c’est peu dire) , j’avais besoin d’une pause dans le recul, dans la déconstruction de mes repères et de mes réflexes. J’ai eu envie de faire pareil ici.
Lire non pas pour comprendre ce que j’ai vécu, mais pour laisser advenir ce que je pourrais ressentir. Ce mois-ci, je ne vous parle donc pas de livres que j’ai déjà traversés, mais de ceux que je m’apprête à découvrir, comme on ouvre une fenêtre sur l’océan, comme on part à vélo sans gps et sans trop savoir où l’on va.
Le fil rouge s’est imposé en écrivant là : tous ces livres parlent de regard. De regard sur soi (l’estime de soi comme acte politique), sur l’enfance, sur les violences et aussi sur les silences, sur la façon dont on prend soin (ou non) du monde, des autres, de soi-même. C’est une bibliographie d’été un peu particulière j’en conviens, mais nécessaire à mon sens, parce qu’elle est aussi douce que radicale, animée de promesses de secousses tranquilles.
Des lectures choisies pour accompagner vos heures creuses, vos siestes à l’ombre des arbres ou des parasols, ces temps longs que seules les vacances et la déconnexion nécessaire permettent encore d’imaginer.
Lire, ici, devient une manière d’anticiper. De se préparer à changer. Ou, plus simplement, d’accepter d’être touchée.
Bonne lecture et bel été ! On se retrouve en septembre !
Une révolution intérieure, Gloria Steinem. (Harper Collins poche)
Préface de Mona Chollet. Un classique féministe revisité en français, une pépite toujours si actuelle que cela en est presque effrayant, dans laquelle on peut piocher, prendre un peu d’inspiration, s’agacer ou dédramatiser, dans l’ordre ou dans le désordre. Gloria Steinem ne parle pas ici de militantisme pur, mais d’estime de soi, de ce cœur de la révolution qui commence en dedans. Et qui parfois met du temps à se mettre en place. J’imagine ce livre comme l’un de mes manifestes : doux, exigeant et lumineux. Pour m’aimer autrement.
Les premières lignes : “En écrivant ces pages, je suis toujours cette même personne qui a grandi dans un quartier ouvrier du Midwest où parler d’estime de soi aurait été considéré comme un luxe. Je me souviens que, dans cet environnement et à cette époque, les hommes étaient jugés selon leur profession, les femmes selon leur apparence, puis selon la situation de leur mari, et toutes les facettes de l’existence jusqu’à notre moi intime étaient déterminées (c’était du moins ce que nous croyions) par le monde extérieur.”
Pour qui ? Pour celles.ceux qui cherchent à découvrir ou renouer avec une forme d’empowerment intérieur, sensible, et incarné.
Le Consentement, Vanessa Springora. (Le Livre de Poche)
Prix des lectrices ELLE. Un récit qui a déjà beaucoup fait parler de lui lors de sa publication. Je me sentais à l’époque trop fragile pour le lire. Lors d’une visite chez book-off à Paris, j’ai mis la main dessus dans sa version poche. Les mots de Springora sont comme des coups de poing. On dit d’elle qu’elle écrit avec une grande dignité et une certaine retenue qui inspire le respect. Dans Le Consentement, l’autrice explore les mécanismes de l’emprise, du silence complice d’une époque au sein de laquelle elle a grandi et de la lente, voire très lente, reconquête d’une parole. Pour tout un tas de raisons, je me réjouis de le lire enfin.
Les premières lignes : “À l’aube de ma vie, vierge de toute expérience, je me prénomme V. et du haut de mes cinq ans, j’attends l’amour. Les pères sont pour leurs filles des remparts. Le mien n’est qu’un courant d’air.”
Pour qui : Pour celles.ceux qui veulent comprendre ce que signifie « parler » après le déni. Et pour faire la démonstration de l’écriture comme outil de libération de la parole.
Un Arabe, Oscar Coop-Phane. (Grasset)
Ce livre m’intrigue. Il me fait peur. J’ai peur de lire ce que je crois être aujourd’hui le quotidien de ma famille, de mes amis : le racisme, ordinaire et décomplexé, la violence des mots et des insultes, les identités des uns.unes des autres, relégués au second plan dans un pays dont la devise est : Liberté, Égalité, Fraternité. J’attends d’Oscar Coop-Phane une prise de recul nécessaire et une lucidité que j’espère radicale et objective, sans pathos.
Les premières lignes : “ Depuis la cuisine jaune de sa vie sans spectacle, la vieille a entendu la porte d’entrée se refermer. Elle a laissé le bifteck à la poële et elle est allée voir. Tout de suite, comme parfois les ondes nous tenaillent, elle a senti une présence étrangère, un corps qu’elle ne voyait pas, mais qui avait été là, une odeur d’eau de Cologne, de pluie et de transpiration. Avant d’inspecter le salon, elle est allée vers la porte et elle a vu une ombre.”
Pour qui ? Pour celles.ceux qui comme moi, veulent que la France universelle et plurielle ne soit ni plus ni moins qu’une France juste. Et qui aime que les mots soient dits, sans filtre, sans détour, sans victimisation.
D’amour et de force : une généalogie du soin, Daniela Rea Gómez (Éditions Ici-Bas)
Préface de Juliette Rousseau. Quand je suis allée l’acheter, la libraire m’a félicitée. J’étais hyper fière allez savoir pourquoi. Elle me dit “C’est un livre rare”. À la croisée du journalisme, de la sociologie et du récit personnel, elle m’explique que l’ouvrage de Daniela Rea Gómez que j’ai découverte grâce à Lauren Bastide qui en parle ici, explore ce que signifie prendre soin dans un monde bouleversé, voire brisé par le violence, en particulier chez les femmes mexicaines. Que c’est un livre sur l’amour et un outil de résistance.
Les premières lignes : “À la naissance de ma première fille, je me suis sentie dévastée, alors même que j’étais accompagnée et soutenue par ma mère, mes sœurs, mon compagnon et mes amies. La maternité m’a acculée dans un espace obscur pendant que le monde extérieur exigeait de moi que je me définisse à travers mon métier, celui de journaliste. Pour comprendre ma nouvelle condition, j’ai fait ce que je savais faire : du journalisme. Comment est-ce que j’interprète le monde ?”
Pour qui ? Pour celles.ceux qui veulent penser voire repenser le soin comme une force politique.





Enfance, La Trilogie de Copenhague I. Tove Ditlevsen. (Globe)
Cette année, j’ai découvert la littérature suédoise, danoise et islandaise. Et plonger dans les cultures scandinaves m’a autant bouleversé que réveillée. Ici, Tove Ditlesen fait son autobiographie. Elle raconte son enfance dans les quartiers ouvriers de Copenhague et les premiers pas de sa voix (voie) littéraire aussi franche que mélancolique. Ce qui me plait à l’idée de lire cet ouvrage, c’est le principe de trilogie, de suivre un personnage sur sa propre écriture introspective qui à chaque pas dans le récit doit découvrir, j’imagine, qui elle est.
Les premières lignes : “Le matin, l’espoir était là. Telle une lueur fugace sur la chevelure noire et lisse de ma mère que je n’ai jamais osé toucher, il siégeait sur ma langue en se mêlant au sucre de la bouillie d’avoine tiède que je mangeais lentement, tout en observant les fines mains jointes de ma mère tranquillement posées sur le journal et les articles sur la grippe espagnole et le traité de Versailles. Mon père était parti au travail et mon frère, à l’école.”
Pour qui ? Pour celles qui lisent pour se souvenir, et pour comprendre d’où l’on vient vraiment.
Et vous ? Qu’allez-vous prévu de lire cet été ? Quelles sont vos envies ?
Des classiques oubliés ? Des récits intimes ? Des manifestes féministes ? Des dark romance ? Dites-moi quels sont les auteurs.rices qui vous accompagneront. Et si vous avez lu l’un de ces livres, je suis curieuse d’en discuter avec vous.
Bon été, et belle lecture.
Nardjisse 🌿